Secteur bancaire : 2 472 milliards de FCFA de réserves, mais un déficit de financement des PME

Publié le 14/07/2025

Dans certains milieux où sont menées des discussions sur les questions économiques et financières au Cameroun, les banques commerciales locales sont accusées du peu de financements qu’elles accordent aux petites et moyennes entreprises. Une situation qui est constatée, alors même que ces institutions financières ne manquent pas de communiquer sur leurs “bonnes performances” se traduisant par des annonces de bénéfices records.

La filiale au Cameroun du groupe BGFI incorporé au Gabon, a par exemple annoncé un bénéfice net de 11 milliards de FCFA pour l’année 2024 en hausse de 9% comparé à celui de l’exercice 2023 précédent. United Bank for Africa pour sa part a annoncé un bénéfice net de 26,5 milliards de FCFA pour sa filiale camerounaise, la meilleure en dehors du Nigeria sur la période. La filiale de Société Générale a indiqué un bénéfice net de 29,8 milliards de FCFA, Afriland First Bank a déclaré un bénéfice net de 27 milliards de FCFA, tandis que Ecobank a signalé une marge nette de 21 milliards.

Bien plus que les annonces des marges en progression, le système bancaire camerounais possède des réserves confortables, pour pleinement fluidifier la machine économique nationale avec les crédits dont ses acteurs ont besoin pour générer de la croissance. A la fin du mois de mars 2025, les réserves libres des banques de la CEMAC dominées par des entités camerounaises, atteignaient la somme de 2 472 milliards de FCFA, soit 2,25 fois la somme que le régulateur bancaire sous-régional leur exige. Un tel volume de réserves libres, devraient notamment soutenir l’expansion du crédit.

Dans les faits cependant, les données de la BEAC (Banque centrale) suggèrent cependant, qu’au Cameroun l’exposition nette des banques sur l’Etat n’était à la fin du mois de mars 2025, que de 1 992,4 milliards de FCFA. Un chiffre en baisse de 10,3% par rapport à son niveau de la même période en 2024. Par ailleurs, on observe que les crédits nets à l’Etat ne représentaient que 32,5% de ceux accordés à l’économie réelle (6 116,3 milliards de FCFA). Enfin, tandis que les crédits à l’Etat sont en baisse, ceux accordés au secteur privé étaient en hausse de 22,4%.

Mais ces chiffres ne dissimulent pas la problématique du financement des PME, qui dans la zone CEMAC font face à un difficile accès aux financements et lorsque cela est possible, elles doivent payer des primes et frais de dossier de crédit, pouvant porter le taux effectif d’emprunt autour des 15% à 17%. La part notable des crédits au secteur privé ne bénéficie donc majoritairement qu’à quelques grandes entreprises, parfois des filiales de grandes multinationales.

Dans le secteur bancaire, certains s’en défendent. L’un d’entre eux évoquant le sujet sous couvert d’anonymat, a expliqué qu’il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les PME de la CEMAC plus globalement, éprouvent tellement de difficultés à être éligibles à des prêts bancaires. La première c’est la fragilité aux chocs économiques. Lorsqu’ils surviennent, ils mettent les petites entreprises en difficultés avec parfois des solutions de recours très limitées.

Or actuellement, même dans ses prévisions les plus optimistes la BEAC n’exclut pas une continuation des effets des chocs économiques actuels notamment une baisse de valeur du dollar US qui réduit la valeur en FCFA des revenus générés à l’extérieur. Une année électorale dont l’issue est difficilement prévisible et le manque de formalisation caractérisent de nombreuses PME.

Aussi évoqué, le coût à envisager pour la génération d’un financement au profit des PME. Les écarts entre les niveaux d’informations, sont tels qu’il faut à chaque fois des ressources importantes pour décider de la viabilité du crédit. Selon des sources internes à la BEAC, des travaux sont en cours pour finaliser la mise en place des bureaux de crédit, qui viendront réduire le poids de l’asymétrie d’information. Enfin, les banques évoquent le mécanisme de réalisation des sûretés qui est inadapté. La COBAC (régulateur bancaire de la CEMAC) exige un provisionnement complet en cas de non-remboursement complet au bout de 3 ans, alors que les procédures de liquidation des sûretés et garanties peuvent durer au-delà.

Mais ces différents arguments ne sont pas à l’abri de critiques. Toutefois l’initiative de la solution peut être discutée. Il peut être complexe d’attendre des banques, constituées pour générer des profits, qu’elles prennent plus de risques avec peu de garanties de soutien en cas de survenance des défis. Au 31 mars, l’encours des créances douteuses atteignait les 840 milliards de FCFA. Même si on y retrouve majoritairement les arriérés de paiements de l’Etat ou des grandes entreprises, il n’est pas certain d’obtenir de meilleurs résultats avec des entreprises de plus petites tailles.

Une issue à explorer au-delà de l’installation d’un bureau de crédit régional, serait de développer un marché secondaire du crédit bancaire, ou simplement de la titrisation. La dynamique observée sur le marché monétaire secondaire entre 2024 et 2025, témoigne de l’intérêt manifesté par les banques commerciales. Les activités de pension-livrée et de transferts à un acheteur sans aucun frais (franco) ont quasiment triplé sur la période. Toutefois cela demande encore des étapes à franchir en termes d’infrastructure légale, d’informations, et de formation, si l’on doit répliquer cela sur des crédits accordés au secteur privé.

Idriss Linge