
Le concours de recrutement de 45 agents d’encadrement supérieur à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC), lancé en 2022, mais qui avait permis de déclarer admis 66 candidats, est finalement annulé par le Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC). Cette décision a été prise au cours d’une session de ce comité organisée le 12 juillet 2025 à Malabo, en Guinée équatoriale, sur la base du rapport d’audit commandé par la BEAC au cabinet RSM France.
« Après avoir pris connaissance des conclusions du rapport d’audit établi par le cabinet RSM France, le comité ministériel a décidé de l’annulation du concours de recrutement des agents d’encadrement supérieur de la BEAC lancé en 2022, afin de préserver la crédibilité et l’image de l’institut d’émission », tranche le comité ministériel de l’UMAC, qui invite le gouverneur de la banque centrale des pays de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA) à organiser un nouveau concours « dans le respect des exigences de transparences requises ».
En effet, le rapport d’audit rendu par le cabinet RSM France révèle des manquements graves dans l’organisation dudit concours. « Des candidats inéligibles, notamment en raison de leur âge ou de leur expérience insuffisante, ont été admis en dépit des critères strictement définis par l’avis du concours, de nombreuses non-conformités ont été constatées concernant la validité et l’adéquation avec l’exigence des postes, certains candidats ont bénéficié d’une validation de leurs documents d’identités ou des diplômes non conformes. Ces constats révèlent des failles dans le filtrage initial des candidatures, compromettant ainsi la rigueur du processus », indique RSM France.
Total de notes erroné
Au centre écrit d Yaoundé, qui abrite le siège de la BEAC, RSM France révèle que « des erreurs graves ont été constatés dans la distribution des sujets, notamment en langue espagnol au lieu du français ou de l’anglais pour certaines spécialités. Un problème d’électricité a affecté plusieurs salles, obligeant les candidats à être déplacés, ce qui a perturbé leur concentration et rallongé les délais. L’absence des représentants d’AfricSearch - cabinet recruté pour organiser le concours,NDLR - dans plusieurs salles a entraîné un déséquilibre dans la supervision et le respect des protocoles. Des erreurs de correction et de totalisation des notes ont été relevées ».
La décision du comité ministériel de l’UMAC vient mettre un terme à plus de 2 ans de bras de fer et de tractation entre le gouvernement de la BEAC, alors dirigé par le Tchadien Abbas Mahamat Tolli, et le comité ministériel de l’UMAC. En effet, au terme d’un avis de concours lancé en 2022 par la BEAC, 66 candidats venus des différents pays de la Cemac avaient été déclarés admis le 5 avril 2023.
Sauf que cette proclamation des résultats survenait alors que, dès le 1ᵉʳaoût 2022, le président du Conseil d’administration de la BEAC d’alors, le Centrafricain Hervé Ndoba, avait instruis le gouverneur Abbas Mahamat Tolli, « de surseoir, de manière immédiate, à ce processus de recrutement». Au prétexte que les premiers résultats (liste des candidats présélectionnés) altéraient déjà « la crédibilité » et la « fiabilité » du processus, tout en portant « indubitablement et gravement préjudice à l’image de la banque ».
La justice communautaire du côté du gouverneur
« (…) Aucun organe ne saurait s’immiscer dans les attributions du gouvernement de la BEAC exercées en toute transparence et dans l’intérêt supérieur de l’institution, sans causer d’entorse aux principes de subsidiarité et de gouvernance (…), ainsi qu’au sacro-saint principe de l’indépendance de la banque centrale », avait répliqué Abbas Mahamat Tolli, le lendemain 2 août 2022. Mais, le 6 octobre 2022, une résolution du comité ministériel de l’UMAC enjoignait non seulement le gouverneur de suspendre le processus de recrutement, mais aussi de commanditer un audit du concours. Le même jour, une autre résolution du Conseil d’administration de la BEAC, s’appuyant cette fois-ci sur les conclusions de l’enquête du comité d’audit interne de la BEAC, ordonnait la poursuite du processus.
Sur ces entrefaites, le gouverneur de la BEAC d’alors va solliciter l’avis de la Cour commune de justice de la Cemac, basée à Ndjamena, sur la légalité de la résolution de suspendre le concours de recrutement, prise le 6 octobre 2022 par le Comité ministériel de l’UMAC. Le 16 novembre 2022, la justice communautaire conforte le gouverneur de la BEAC dans sa posture visant à refuser toute ingérence du Comité ministériel de l’UMAC et du PCA de la BEAC dans une affaire relevant de la compétence exclusive du gouvernement de la banque centrale. Abbas Mahamat Tolli poursuivra alors le processus de recrutement de la 22ᵉ promotion des agents d’encadrement supérieur de la BEAC, dont les résultats définitifs seront publiés le 5 avril 2023. Avant d’être suspendus deux mois plus tard (juin 2023).
Depuis lors, les 66 candidats définitivement admis, constitués en collectif, menaçaient de saisir la justice en cas de besoin. Arrivé à la tête du gouvernement de la BEAC dans l’intervalle, le Centrafricain Yvon Sana Bangui, qui a fait de la résolution de ce conflit une priorité, a officiellement lancé, le 29 janvier 2025, un audit du concours querellé. C’est sur la base du rapport de cet audit que le concours a été annulé le 12 juillet 2025, ouvrant certainement la voie à un contentieux, cette fois-ci entre les candidats déclarés admis - parmi lesquels de nombreux proches des dirigeants des institutions de la Cemac - et la BEAC.
BRM
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