
Dans le Document de programmation économique et budgétaire à moyen terme 2026-2028, le ministère des Finances révèle l’incapacité du gouvernement camerounais à accélérer l’investissement public dans le pays. En portant notamment la dotation annuelle dédiée « à un taux annuel minimal de 30% ». Le document, qui a servi de base au Débat d’orientation budgétaire (DOB) de l’année 2025 au cours du mois de juillet courant à l’Assemblée nationale, attribue cette incapacité à la difficulté qu’éprouve le gouvernement à maîtriser la dépense publique, « en dépit des efforts effectués au courant des trois dernières années ».
« Les effets des progrès réalisés sur certains postes de dépenses tels que les transferts et subventions, du fait de la baisse de la subvention du carburant et les gains obtenus en matière de dépenses permanentes des personnels grâce aux opérations successives d’assainissement du fichier solde, sont réduits par d’autres charges publiques, telles que la veille sécuritaire à assurer dans les foyers de crise à travers le pays, les loyers et baux publics, les dépenses sociales nécessaires à la préservation des conditions de vie des couches défavorisées, les contributions aux organisations internationales, les consommations publiques, etc.», confesse le ministère des Finances.
Au cours des trois dernières années, et même avant, le gouvernement camerounais a en effet pris diverses mesures permettant de réaliser d’importantes économies sur les dépenses publiques. C’est le cas de la hausse des prix de certains produits pétroliers à la pompe en 2023 et 2024. Cette décision a permis de réduire substantiellement l’allocation budgétaire dédiée à cette subvention. Elle est progressivement passée de plus de 700 milliards de FCFA en 2022 à seulement 15 milliards de FCFA en 2025 - après respectivement 350 et 263 milliards de FCFA en 2023 et 2024 - selon les différentes lois de finances de l’Etat.
10 000 agents de l’Etat fictifs
Dans le même temps, depuis l’année 2019, soutient-on au ministère des Finances, le Trésor public réalise des économies de 30 milliards de FCFA chaque année, grâce au Comptage physique des personnels de l’Etat (Coppe). Cette opération d’assainissement du fichier solde de l’Etat effectuée en 2018, a en effet permis au gouvernement d’extirper du fichier solde de l’Etat 10 000 personnels fictifs. Dans le même temps, depuis juillet 2024, le gouvernement a lancé le toilettage du fichier des pensionnés des forces de défense et de la police, dans lequel la fraude sur les allocations familiales font perdre à l’Etat 3,5 milliards de FCFA par an.
Cependant, les économies substantielles ainsi réalisées n’ont pas pu être réorientées vers l’investissement public. En raison du « poids des charges courantes et l’accumulation des arriérés (dette flottante et restes à payer du trésor)», apprend-on officiellement. A titre d’illustration, les charges des personnels de l’Etat, qui constituent le gros des dépenses courantes, et englobent les salaires et autres avantages servis aux agents publics, ont atteint 1 383 milliards de FCFA en 2024, représentant 97,6% de la dépense prévisionnelle et 21,3% du budget de l’Etat. Au cours de l’année 2025, à en croire les prévisions du ministère des Finances, cette enveloppe devrait se situer autour de 21,5% du budget de l’Etat.
1 à 2% du PIB pour lutter contre Boko Haram
Selon les projections du gouvernement, ces dépenses connaîtront d’ailleurs une augmentation soutenue jusqu’en 2027. L’augmentation attendue peut s’expliquer par l'ajustement des salaires de 5% par an à la Fonction publique en 2023 et 2024, ainsi que la revalorisation de l'allocation familiale mensuelle des agents de l’Etat de 2800 à 4 500 FCFA par enfant en 2024 (+60%). En plus de ces décisions prises pour atténuer les effets sur le pouvoir d’achat des augmentations des prix des produits pétroliers à la pompe survenues en 2023 et 2024, il faut ajouter, informe-t-on au ministère des Finances, l’accélération de l’apurement de la dette salariale de l’État, notamment vis-à-vis des enseignants.
Le 1er décembre 2024, lors de la présentation du programme économique, financier, social et culturel du gouvernement pour l’année 2025, le Premier ministre, Joseph Dion Nguté, a révélé que plus de 164 milliards de FCFA de ces arriérés sur une enveloppe globale de 200 milliards de FCFA ont été payés au cours de l’année 2024. Il reste donc à payer 36 milliards de FCFA. Ce qui pourrait être fait en cette année 2025, au regard de la progression enregistrée sur les prévisions des dépenses des personnels de l’Etat dans la loi de finances.
En plus du poids des dépenses des personnels de l’Etat, dans un contexte pourtant marqué par la rationalisation des recrutements à la Fonction publique, il faut ajouter les dépenses sécuritaires. Par exemple, avant le déclenchement de la crise socio-politique qui secoue les deux régions anglophones du Cameroun depuis fin 2016 - ce qui a induit des dépenses de sécurité supplémentaires - le Fonds monétaire international (FMI) estimait déjà entre 1 et 2% du PIB, le coût du déploiement de l’armée camerounaise dans la région de l’Extrême-Nord du pays, pour stopper les exactions de la secte islamiste nigériane Boko Haram.
Brice R. Mbodiam
Lire aussi: