Société Générale Cameroun : après l’accord de reprise, l’État prépare la cession des actifs à de nouveaux investisseurs

Publié le 15/07/2025

Le groupe bancaire Société Générale et le ministère camerounais des Finances ont annoncé, ce 15 juillet 2025, la conclusion d’un accord en vue du rachat par l’État du Cameroun de la totalité des parts — soit 58,08 % — détenues par le groupe français dans sa filiale locale, Société Générale Cameroun (SG Cameroun).

Le montant de la transaction n’a pas été rendu public. L’opération reste conditionnée à l’approbation de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), régulateur du secteur bancaire en zone CEMAC, ainsi qu’à d’autres validations réglementaires. « Ce projet de cession est soumis aux conditions suspensives usuelles, ainsi qu’à la validation des autorités financières et réglementaires compétentes », a précisé le groupe Société Générale dans un communiqué.

Si elle est entérinée, cette opération portera la participation de l’État camerounais à 83,68 % du capital de SG Cameroun, contre 25,6 % auparavant, faisant de lui l’actionnaire ultra-majoritaire du deuxième établissement bancaire du pays.

Mais cette situation ne devrait être que transitoire. Au regard des éléments communiqués par le gouvernement, il s’agit d’un portage temporaire, destiné à organiser dans de bonnes conditions le retrait du groupe français et l’arrivée de nouveaux partenaires stratégiques.

En effet, à l’analyse des termes du communiqué du ministre des Finances, Louis Paul Motazé, la transaction entre le groupe Société Générale et l’Etat du Cameroun est plus un portage visant à mieux contrôler et organiser le départ du groupe bancaire français du Cameroun, qu’une réelle intention de renforcer l’investissement public dans le secteur bancaire national. « La prise de contrôle par l’Etat vise, d’une part, à assurer la continuité et la pérennité des activités de cette banque de référence dans le paysage financier du Cameroun et, d’autre part, à protéger et garantir les intérêts des clients, des partenaires ainsi que du personnel », souligne le communiqué du ministre Motazé.

La pression du FMI

Tout en assurant aux différentes parties prenantes de la banque la détermination de l’Etat à préserver la transparence, la bonne gouvernance et la durabilité de l’activité de SG Cameroun, le ministre des Finances envisage explicitement, « à terme », « l’ouverture du capital à d’autres partenaires stratégiques nationaux et internationaux ». Selon les observateurs du secteur bancaire national, cette hypothèse est plus qu’envisageable. Elle est inévitable. Ce d’autant plus que des partenaires financiers du Cameroun, à l’instar du FMI, pressent le gouvernement de se désengager des banques récemment sauvées de la liquidation par ses soins.

« À court terme, les services du FMI recommandent de signer des contrats de performance avec chacune des deux banques, comprenant un cadre de gouvernance aligné sur les meilleures pratiques et une stratégie pour l’État de vendre ses actions », peut-on lire dans un rapport publié en 2022 par cette institution de Bretton Woods. La recommandation du FMI survenait au lendemain du rachat par l’Etat du Cameroun des 54% des actifs de Union Bank of Cameroun (UBC), jusque-là détenu par le groupe Ecobank ; et de la prise de contrôle de NFC Bank.

C’est dans ce sillage que s’inscrit également la cession, annoncée depuis des mois mais toujours en cours de préparation, des actifs de l’Etat du Cameroun dans la Commercial Bank Cameroun. Sauvé de la faillite par les pouvoirs publics, cet établissement de crédit fondé par le défunt milliardaire Victor Fotso affiche pourtant des performances reluisantes depuis quelques années, après une longue période d’administration provisoire et de redressement.

BGFI dans les starting-blocks ?

Dans ce contexte, SG Cameroun, récemment tombée dans l’escarcelle de l’État, devrait rapidement rejoindre la Commercial Bank Cameroun (CBC) sur le marché de la privatisation. L’annonce du retrait de Société Générale du Cameroun a, en effet, aiguisé l’appétit de plusieurs groupes bancaires africains.

Depuis que l’État camerounais a exercé son droit de préemption sur les actifs mis en vente par le groupe français, plusieurs prétendants se sont signalés, dont le nigérian Zenith Bank, intéressé par une expansion dans la sous-région. Par ailleurs, des discussions discrètes seraient en cours entre Yaoundé et le groupe bancaire gabonais BGFI, qui continue de renforcer sa présence sur le marché camerounais.

Dans une interview accordée à Investir au Cameroun en mai 2024, Henri-Claude Oyima, président du groupe BGFI, qui a déjà racheté la filiale congolaise de Société Générale après le droit de préemption exercé par Brazzaville, ne cache pas son intention de prendre la place des partants sur le marché bancaire africain. « Nous explorons activement d’autres opportunités dans nos pôles de croissance. Notre stratégie inclut à la fois des acquisitions et des expansions internes, selon les opportunités du marché. Donc rassurez-vous, il n’y aura pas un désert parce que certains s’en vont. Il y aura de la complémentarité et des places pour les banques africaines », soutient-il.

Le groupe ivoirien NSIA figure également parmi les concurrents potentiels au rachat des parts de l’État dans SG Cameroun. Déjà implanté au Cameroun dans le secteur des assurances, NSIA ambitionne d’élargir ses activités au secteur bancaire local. Lors d’une audience au ministère des Finances le 5 juin 2025, Jean Kacou Diagou, président-directeur général du groupe, a clairement affiché cette intention. Le réseau de Société Générale Cameroun, solide et bien établi, constituerait pour NSIA une porte d’entrée idéale sur le marché bancaire national.

Brice Mbodiam

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